lundi 31 août 2015

Remplaçante

 

Octobre 2007

Le métier d'enseignant, ça s'apprend. Comme tous les métiers, du reste.

Pour devenir professeur des écoles, on prépare un concours (niveau bac + 3) et si on le réussit, on reçoit une formation théorique (à l'IUFM : Institut Universitaire de Formation des Maîtres) et pratique (stages de mise en situation dans les classes).

Le plus gros de l'apprentissage se fait ensuite sur le terrain, lors des premières années d'enseignement. Il faut bâtir son expérience. (Les choses ont changé, concernant le cursus pour enseigner dans le primaire. Voir la note à la fin du texte.)

On place souvent des débutants sur des postes de remplaçant restés vacants en début d'année scolaire : c'est déroutant et éprouvant quand on ne connaît rien ou presque au système scolaire, mais très formateur.

On peut aussi choisir d'être remplaçant, c'est un poste fixe comme un autre : c'est ce que j'ai fait, après cinq ans d'enseignement, dont quatre dans une école de ZEP (Zone d'Education Prioritaire) très difficile.

J'entame ma cinquième année de remplacements sur une "Zone d'Intervention Limitée" (on me nomme ZIL), soit une circonscription d'une trentaine d'écoles, maternelles et élémentaires. Je remplace dans des classes qui vont de la Petite Section (enfants d’à peine 3 ans) jusqu'au CM2 (enfants de 10, 11, parfois 12 ou 13 ans).

Je me propose ici, mesdames et messieurs, de dévoiler quelques secrets liés au rôle du remplaçant. Venez donc avec moi dans les coulisses, là où tout se joue, là où tout se tisse…

Tout d'abord, le remplaçant se doit d’être souple, docile, réactif, adaptable. Il aura toujours en tête le grand principe suivant : "Ce qui est vrai aujourd'hui ne l'est plus forcément le lendemain". Vous remplacez untel et l'on vous dit qu'il revient demain : ce n'est pas une certitude absolue. Votre mission prend fin quand vous avez devant vous la personne remplacée, pas avant.

Car il se peut que le lendemain, on vous annonce : "Untel a prolongé son arrêt." Alors, vous reprenez la classe ! Il y a aussi le cas inverse : "Machin sera aussi absent demain." Mais on n'est jamais sûr de rien. Dernièrement, venant tôt dans la classe pour préparer une deuxième journée en CP, j'ai appris, en allant chercher les élèves, que leur maître était revenu. Son médecin ne lui avait pas accordé de jour d'arrêt supplémentaire.

Allons plus loin : "Ce qui est vrai cinq minutes avant ne l'est plus forcément cinq minutes après". Vous appelez la secrétaire de l'IEN (Inspection de l'Education Nationale) à 8 heures 30 pour l'informer que vous êtes disponible et elle vous répond qu'elle n'a rien pour vous.

Vous vous installez confortablement en salle des maîtres, en vous demandant à quoi vous allez bien passer la matinée (lire ? écrire ? faire du rangement ? bayer aux corneilles ?) et elle vous rappelle dans la foulée pour vous envoyer dans une école élémentaire sans que vous ayez eu le temps de lui demander le niveau de la classe et la durée—probable—du remplacement. Elle a déjà raccroché.

Vous rangez vos affaires, vous attrapez votre cartable et vous foncez. Non ! Pas si vite ! Vous n'êtes pas si pressé ! Prenez votre temps, après tout ! Ce ne sont pas cinq minutes de plus ou de moins dans une classe qui vont changer la face du monde ! Respirez, mettez-vous en condition ! Vous ne savez pas ce qui vous attend !

Vous l'aurez compris, le remplaçant vit dans l'incertitude, le provisoire, les imprévus. Il ne faut surtout pas que ça le stresse ; sinon, autant qu'il change de fonction. Un remplaçant doit rester calme, ouvert à toute éventualité.

Ne comptez pas sur les remplacements (surtout les courts) pour vous vous faire des ami(e)s. On vous regardera souvent d'un air soupçonneux. On envie les remplaçants (ils travaillent moins et gagnent plus), on les méprise (ce ne sont pas de "vrais" enseignants, ils n'ont pas de "vraie" classe), on ne voudrait ou ne pourrait pas faire ce qu'ils font (vivre au jour le jour, transiter d'une école à l'autre, d'un niveau à l'autre).

Opposition des nomades et des sédentaires… Vous ne trouverez grâce qu'aux yeux de vos semblables, avec lesquels vous parlez le même langage. Entre remplaçants, l’on se comprend très bien.

Malgré les précieux services qu'il rend, on se montre extrêmement méfiant envers le remplaçant : sa présence dans une école signifie "alerte", "attention changement". Cette résistance—humaine, naturelle, somme toute banale—, vous aurez à la gérer avec les collègues, mais aussi avec les enfants, ceux avec lesquels vous allez travailler en l'absence de leur maître(sse).

Il vous faudra les rassurer, tout en leur montrant très rapidement qui est le maître de la situation : vous. S'il y a des réticences, si les élèves vous disent et c'est le cas à chaque fois, quelque soit le niveau : "La maîtresse fait comme ci, la maîtresse ne fait pas comme ça", restez sûr de vous et répondez : "Oui mais aujourd'hui c'est moi qui suis dans la classe, alors je fais comme je veux".

Insistez, rajoutez plusieurs fois s'il le faut, pour les plus coriaces et les plus récalcitrants : "Vous n'avez pas à discuter avec moi, c'est comme ça et pas autrement". Imposez-vous, que diable ! Vous pourrez bien sûr assouplir les choses au fur et à mesure, mais dans un premier temps, il vous faut prendre la classe en main, sans hésiter.

Dans les écoles maternelles, le matin, on organise différentes activités autour de ce qu'on appelle "le regroupement". Les élèves sont assis sur des bancs, et l'on travaille sur la date (hier, aujourd'hui, demain), on regarde le temps qu'il fait, on fait l'appel, on compte les élèves, les présents, les absents…

Ce sont des activités relativement faciles à mener, que l'on peut compléter avec une séance de comptines et de chants, une lecture d'album. Il faudra aussi composer en fonction de l'emploi du temps : travail en ateliers, séance d'éducation physique, récréation, passage incontournable aux toilettes… Vous serez généralement secondé par une ATSEM (Agent Territorial Spécialisé des Écoles Maternelles).

Dans les écoles élémentaires, la première chose sera de demander aux élèves d'écrire leur prénom (en lettres capitales) sur une feuille blanche pliée en deux qu'ils placeront sur leur table, devant eux et qu'ils pourront aussi décorer.

Cela vous permettra directement de les nommer et, pendant qu'ils seront occupés à faire leur étiquette, vous pourrez prendre connaissance de l'emploi du temps (créneaux de gymnase, de bibliothèque, d'informatique, de chorale…) et des services de l'enseignant (surveillance de la cour aux récréations, accueil au portail aux entrées du matin et de l'après-midi).

Il y aura peut-être, sur le bureau, le cahier journal, outil très efficace pour savoir où les élèves en sont dans le programme, mais ce sera très rare : généralement l'enseignant l'emporte chez lui. Une façon rapide de se mettre au travail, c'est de corriger les devoirs donnés la veille et d'enchaîner sur des exercices de même nature, dans la même matière.

S'il n'y avait pas de devoirs, vous pouvez proposer des activités simples, faciles à mettre en place : calcul réfléchi sur l'ardoise, dictée de mots ou de phrases, opérations ou conjugaison sur le cahier de brouillon, récitation des poésies apprises… Cela vous laissera le temps de voir, au moins jusqu'à la récréation. Sauf si vous êtes de service dans la cour ! Alors il vous faudra réfléchir vite et… improviser.

Vous rencontrerez souvent des problèmes au sujet des clés : la personne que vous remplacez n'a généralement pas prévu d'être absente, donc elle n'a pas laissé ses clés (comme elle a emporté son cahier journal). On vous prêtera un passe… ou pas. On vous ouvrira la porte de la classe… ou pas. Il vous arrivera d'être obligé de passer par la classe voisine (des portes communiquent) pour entrer dans la vôtre car on n'a pas la clé qui correspond. Pour une journée, ça va, c'est folklorique, mais si ça s'éternise…

À l'intérieur de la classe, vous tomberez sur des armoires… fermées à clé, qui regorgent certainement de matériel scolaire indispensable, mais inaccessible. Dans certaines écoles, il vous faudra aussi une clé pour accéder aux toilettes des enseignants. À vous de la quémander !

Un autre problème crucial : celui de la photocopieuse. Ah ! La sacro-sainte photocopieuse ! Parfois elle est en accès libre, parfois il faut un code, parfois il faut apporter son paquet de feuilles (c'est souvent dans l'armoire fermée à clé), parfois (relativement souvent) elle en panne.

Adieu les mandalas, les coloriages magiques, les mots croisés, les mots mêlés, les fiches de lecture toutes prêtes… Tout ce matériel cher aux remplaçants ! Il vous faudra faire preuve d'imagination et trouver des alternatives au travail "clé en main", comme la réalisation de constructions géométriques (règle, équerre, compas) ou la copie d'une poésie au tableau.

Voilà en ce qui concerne les remplacements courts, "au pied levé". Les remplacements plus longs, de plusieurs mois (généralement des congés maternité) seront anticipés et préparés. Vous rencontrerez préalablement la personne que vous allez remplacer, vous saurez quoi faire et comment travailler. Vous serez plus facilement intégré à l'équipe enseignante, vous serez présenté aux élèves comme étant "leur nouveau maître".

Vous prendrez possession d'un univers pédagogique qui n'est pas le vôtre, vous utiliserez les classeurs, les cahiers démarrés en début d'année, les livres ou les fichiers de maths et de français, les manuels de sciences, d'histoire géographie…Vous continuerez le programme, respecterez ce qui a été mis en place, avant votre arrivée.

Vous ne pourrez pas tout changer, tout révolutionner, mais vous ne pourrez pas non plus faire exactement comme le (la) collègue qui est en congé. Imposez-vous dans la classe en tant que personne, avec vos choix, vos convictions, vos préférences. Les enfants comprendront, s'adapteront, dans le meilleur des cas.

Un remplacement, même simplement d'une journée, peut être très enrichissant. Le changement crée l'ouverture, il y a souvent de bons échanges entre le remplaçant qui apporte une autre manière de faire, et les enfants, qui y adhèrent complètement.

Il y a des remplacements qui peuvent marquer toute une année scolaire. Comme celui que j'ai effectué, l'an dernier, pendant quinze jours, dans une classe de CM1 où le courant était particulièrement bien passé. Je repensais à ces élèves chaque fois que je voyais leur école.

Je n'y suis retournée qu'en ce début d'année, pour un remplacement de deux jours. Les CM1B, devenus CM2 et répartis dans deux classes différentes, m'ont chaleureusement accueillie et saluée à mon passage. Ils se souvenaient de mon nom, cela m'a beaucoup touchée. J'ai repensé au fait que le photographe était venu à l'école pendant ma période de remplacement et que je figurais sur leur photo de classe, à la place de leur "vraie" maîtresse.

Août 2015

J’ai été titulaire remplaçante ZIL de 2003 à 2010 sur Clichy-sous-Bois et Le Raincy, puis de 2010 à 2015 sur Montfermeil (Coubron et Vaujours aussi) avec quelques journées passées sur mes anciens lieux de travail, à Clichy-sous-Bois et au Raincy, missions pour lesquelles j’étais disponible, et volontaire.

Ces petites incursions dans les villes voisines m’ont permis d’avoir des nouvelles de mes ex-collègues et de revoir des élèves, comme ceux qui de la maternelle se trouvaient maintenant en élémentaire. La rencontre la plus improbable ayant eu lieu avec les élèves de Petite Section que j’avais eus toute une année (2005/2006) et que je retrouvai (en partie) des années plus tard, pour une journée, en CM2.

En septembre 2015, j’attaquerai une nouvelle rentrée scolaire, toujours sur le même poste. En route pour de nouvelles aventures, qui, je l’espère, seront plus sereines que celle passée en CM2 de février à juin de cette même année.

Je ne sais pas quelle(s) classe(s) je vais avoir, je n’ai eu ni listes ni commandes ni projets ni préparations à faire, je me présente (presque) les mains dans les poches, avec mon (léger) cartable tout de même, comme preuve de mon sérieux.

Les vacances d’été sont venues gommer les moments pénibles avec ces enfants qui ne m’ont jamais vraiment acceptée comme leur enseignante. Cela arrive, il faut le savoir. Si cela devait se reproduire, je m’épargnerai, je ne m’acharnerai pas comme je l’ai fait. Les remplaçants sont aussi remplaçables que les autres enseignants, je ne m’en priverai pas cette fois-ci.

Note :
La formation des professeurs des écoles se fait dorénavant en École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ESPE, ancien IUFM). Elle est accessible, sur concours, après un master 1 ou 2 (quatre ou cinq années post-bac). Pour être titularisé(e) il faut absolument obtenir le master.

À lire aussi sur ce blog :
-Journal de bord : un CM1 aux Bosquets

À lire et à voir sur Hautetfort :
-Clichy-sous-Bois

À voir et à lire sur ce blog :
-Montfermeil

-Histoires courtes (ou plus longues)

dimanche 30 août 2015

Les fourmis de la Cigale (6)

Sixième partie : 4 août 2015

Mon côté cigale

Cela me trottait dans la tête depuis un moment déjà, d’écrire sur la Cigale Musclée d’Épernay, quartier Bernon, dans la Marne. Ce fut l’un des premiers cafés-musiques labellisés par le ministère de la Culture et de la Communication, un lieu exemplaire et précurseur, de ceux qui ont servi à la rédaction de la charte des cafés-musiques et à leur développement sur le territoire français, au début des années quatre-vingt-dix.

La structure (tout du moins sa partie musicale) a existé entre 1989 et 1996, sous la forme d’une association de loi 1901. Structure associative, donc, fondée sur le bénévolat : coopérative, participative, conviviale, familiale, fraternelle, festive, cosmopolite, formatrice, constructive, innovante…

Internet n’était pas encore envisageable même si les ordinateurs avaient déjà leur place dans les bureaux, on fonctionnait avec le fax ; il y avait tout de même la vidéo, utilisée judicieusement comme moyen d’expression et de communication par T.C.B. (Télé Centre Bernon) la télévision du quartier.

Lorsque j’ai commencé à réfléchir à l’éventualité d’écrire sur la Cigale Musclée, j’ai d’abord pensé à une fiction, ayant pour cadre la ZUP, le quartier Bernon et Épernay dans son ensemble, les villages voisins, les villes aux alentours, notamment Reims et l’Usine, salle de concert réputée de ce temps-là, Château-Thierry et son association Les Pyramides Bleues, Châlons-sur-Marne (qui ne se nommait pas encore Châlons-en-Champagne) avec sa radio libre, ses concerts en salle ou en plein air, les prémices du festival « Musiques d’Ici et d’Ailleurs »…

Les personnages seraient inspirés de toutes ces fourmis de la Cigale, de toutes ces personnes ayant participé, de près ou de loin, à la vie de l’association, aux différentes activités de la salle, de tous ces gens ayant contribué à la faire fonctionner, à lui donner ce rayonnement, cette envergure, de tous ces musiciens qui sont venus y jouer. Il faudrait des personnages principaux, des intrigues, du suspense, une disparition mystérieuse, une mort inexpliquée, une série de meurtres, envisager un mobile, sans doute une vengeance, des personnages secondaires.

L’histoire se passerait dans l’ambiance foutraque du début des 90’s où évolueraient les musiciens sparnaciens, leurs groupies, tous styles confondus, rock, punk, garage, rockabilly, metal, hardcore, blues, jazz, raï, reggae, world, rap, hip hop, DJ’S… Le milieu serait plus ou moins marginal, réunissant artistes de tous poils, habitants du quartier et des environs, faune des soirs de concert. L’esprit de fête tiendrait une place prioritaire. Le vignoble champenois aurait aussi son rôle à tenir car à Épernay, capitale du Champagne, les vignes sont partout, surplombant la vallée de la Marne.

La Cigale Musclée garde toujours une place dans mon esprit grâce à Myriam, que je continue à voir régulièrement, depuis plus de vingt ans ! Nous avons partagé nombre de bons moments associatifs, tant au niveau administratif (je fus, un temps, la présidente) que pour l’organisation des concerts : de l’accueil des musiciens en début d’après-midi (les courses du catering auraient été faites le matin) jusqu’à la fermeture de la salle, le ménage, le lessivage des sols, la fiesta jusqu’à l’aube. Et de précieux moments d’amitié, bien sûr. Nous évoquons toujours José Molina, le directeur salarié, arrivé en 1992 pour remplacer Bernard Guinard, l’initiateur du projet.

Télé Centre Bernon a réalisé un nombre impressionnant de reportages sur les concerts, les festivals, les événements organisés par la Cigale Musclée. Avant de quitter définitivement Épernay, j’avais demandé à ce qu’on me fasse une copie de ces reportages compilés sur des cassettes VHS. Il en avait fallu quatre pour consigner huit heures d’enregistrements, réalisés entre  1992 et 1995.

Progrès technologiques aidant (merci à mon frère Samuel), je suis en possession aujourd’hui de deux DVD (plus un troisième, l’intégrale du concert que Theo Hakola y a donné avec Bénédicte Villain le 28 janvier 1993, merci Éric F.B.) retraçant les heures de gloire passée de feu « La Cigale Musclée ».

Du moins côté cigale, car la musculation est toujours restée d’actualité au 4 allée Édouard Lalo. Il semblerait même qu’elle se soit agrandie, jusqu’à occuper désormais l’espace autrefois dédié à l’animation (bar sans alcool) et aux concerts (demande de licence exceptionnelle pour les alcools de catégorie 2).

Déménageant en Seine-et-Marne en juin 1994 pour des raisons professionnelles, j’ai continué à venir à Épernay pour assister aux concerts de la Cigale Musclée et pour donner un coup de main en tant que bénévole sur les festivals rock (notamment celui de juillet 1994 : Atomics Kids, Zebda, Road Runners, Nerve, Spermbirds et peut-être celui de mai 1995 : Painting Over Picasso, Les Wampas, Les Sheriff). Libérée des contraintes dues à mes responsabilités dans l’association (j’avais succédé à Mao en 1992 en tant que présidente, puis laissé ma place à Manu G. en 1994), j’en avais profité pour réaliser des photos.

One shot, à l’époque. Le résultat disponible seulement après le passage obligé chez le photographe. Quoique, j’avais fait aussi un reportage sur le troisième festival, en 1993 (Nihil, Senseless Things, Les Thugs, Treponem Pal). Trésors inestimables, vingt ans après.

Fin de l’aventure en 1996. Le 31 mars, nous faisions un repas d’adieu chez José et sa femme Régine ; José quittait les paysages champenois gris, brumeux, humides et froids l’hiver, pour retourner sous des cieux plus cléments dans le Tarn, du côté d’Albi.

Là aussi, là surtout, j’avais fait un tas de photos. Je ne regrette pas aujourd’hui de les avoir toutes gardées, car depuis la vie est passée sous les ponts et en a laissé certains sur ses berges : Paulo et Rachid ne sont plus de ce monde.

Ce jour-là, il y avait Toutoune, le bluesman légendaire, Brigitte, sa compagne dévouée, membre du bureau de l’association et bénévole très active, et leur jeune fils. Jano, le chanteur guitariste de Nihil et Térésa, sa compagne, ses enfants à elle. Paulo, le batteur de Nihil, animateur musical salarié de l’association et sa compagne Dédel, avec laquelle j’ai souvent fait les quatre cent coups.

Il y avait Gérald, musicien, bénévole au bar ou à la régie son et lumières, membre actif au bureau. Fafa, animateur radio, journaliste musical, objecteur de conscience à la Cigale Musclée. Myriam, secrétaire salariée de l’association, assistante de José, en formation BEATEP, chanteuse, danseuse, belle petite rousse rieuse, impliquée au plus haut degré, destinée à une carrière brillante dans les métiers du spectacle.

Il y avait Elsa, bénévole dès 1989, s’engageant progressivement vers des responsabilités plus importantes, passant ses journées au bureau de l’association, ses soirées dans la salle d’animation, ses samedis à l’organisation des concerts, ses dimanches dans la salle de répétition avec le groupe Cosmo Zikmo, certains jours à Paris en formation « gestionnaire de café-musiques »…, pendant sa période de chômage (si l’on peut dire).

Il n’y avait pas Étienne, ex bassiste de Nihil, technicien son salarié de la Cigale Musclée ni sa compagne Asùn, qui fut ma colocataire du temps de nos études à Reims. Ni Rachid, technicien lumières salarié de l’association, ancien bénévole des tous débuts ni Mao, ni Dom, ni Manu L., pareillement impliqués dès le lancement de la « Structures Jeunes » en 1989.

On avait bien rigolé. Beaucoup bu de Champagne. C’était la fin d’une époque, mais the show must go on. Chacun continuerait son chemin, la plupart dans le domaine de la musique, les couples feraient des enfants, d’autres retrouveraient des voies plus conventionnelles, car il faut bien gagner sa vie, quitter le côté cigale pour aller vers celui plus rassurant de la fourmi, assurer ses arrières, cesser de chanter, déchanter, jusqu’au désenchantement…

C’est ce qu’il m’est arrivé. D’actrice passionnée dans l’organisation de concerts, je suis devenue exclusivement consommatrice, allant volontiers dans les salles parisiennes, puisque n’habitant dorénavant pas loin.

Il y a eu la Grange du Château, ma fréquentation de plus en plus assidue de cette salle de concert « à la dure », sans vrai bar ni frigo, une scène et des équipements démontables, des bénévoles plus actifs que jamais. Pourtant, l’envie ne m’est jamais venue de rejoindre l’équipe, de « remettre les mains dans le cambouis ». On s’embourgeoise, on s’assagit, on s’assoupit… Éric G. l’a fait, lui.

Le « café-musiques du Val d’Europe », organisant ses concerts à la Grange du Château de Chessy, a été fondé fin 1996. En 2002, après de longs travaux, il se transformait en File 7, SMAC ou Scène de Musiques Actuelles, petite sœur du café-musiques… J’y vais régulièrement. Il y a certes, heureusement, toujours des bénévoles, mais l’équipe qui fait tourner le lieu est salariée, formée, diplômée, motivée, et c’est tant mieux.

Le programme « café-musiques » décidé en séminaire interministériel du 7 décembre 1990, représentant l’un des enjeux de la Politique de la Ville, a bien porté ses fruits. File 7, à Magny-le-Hongre (ville rattachée au SAN, Syndicat d’Agglomération Nouvelle du Val d’Europe), demeure un endroit convivial, ouvert à tous, mettant à disposition des musiciens des studios de répétition et d’enregistrement, également sa scène, sa régie son et lumières dans le cadre d’artistes accompagnés ou de résidences. Il y a une grande salle de concert (capacité 600 spectateurs debout) et une plus petite, côté café, où ont lieu des prestations en libre accès.

Les plus jeunes ont aussi leur programmation musicale, il y a des interventions auprès des écoliers, collégiens, lycéens, des projets de sensibilisation dans différents milieux (scolaire, périscolaire, rural, handicap, hospitalier, carcéral…), des projets avec les écoles de musique, des actions culturelles de proximité, des sourires à l’entrée…

Ce qui paraissait utopique il y a vingt-cinq ans prend racine dans la réalité du XXIe siècle. On n’a pas œuvré pour rien. D’autres s’y sont mis, aussi. Certains y sont toujours.


La Cigale Musclée (1989/1996) : il est temps d’en parler sérieusement.

Lien vers ma série d’articles
Cigale Musclée (51) Café-Musiques


samedi 29 août 2015

Les fourmis de la Cigale (5)

Cinquième partie : 3 août 2015


110 photographies argentiques (1990-1995)

Archives de mes albums et de mes pochettes soigneusement conservées et datées. Toutes ces photos sont de moi, exceptées celles du concert de Skarface le 26 juin 1993 (envoyées à l’époque par Sandrine, l’amie du guitariste) et celles où je me trouve (je n’avais pas encore l’idée d’autoportraits).

La Cigale Musclée (1989/1996) : il est temps d’en parler sérieusement.

Lien vers ma série d’articles
Cigale Musclée (51) Café-Musiques

Concert de Nihil, plein air, mai 1990


Salle d'animation, avril 1993







Concert Original Combo, avril 1993




Concert Skarface et Skaferlatine, juin 1993





3e Festival Rock, Palais des Fêtes, juillet 1993











Concert Madhouse et Blackened, octobre 1993











Soirée BTS, mai 1994








Concert Waltari et Blackened, mai 1994

















Groupe Fitt Band Experience, mai 1994

4e Festival Rock, Palais des Fêtes, juillet 1994



























Concert Lofofora et Condense, mai 1995






5e Festival Rock, Comep, mai 1995



Festival Brasier, Comep, mai 1995


Salle d'animation, septembre 1995